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23 juillet 2009 4 23 /07 /juillet /2009 08:48
Faites moi part de vos attentes afin que je puisse y répondre. D'avance, merci
Skepsis
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8 juillet 2009 3 08 /07 /juillet /2009 07:49
 

Simmel et l'argent

 

Si l'on admet que l'argent, en tant que monnaie, est d'abord un outil (cf. notre article sur l'argent), et un outil non moins légitime que les autres, alors reste à se demander quels sont ses pouvoirs, et surtout, au-delà de sa fonction d'opérateur de proportion entre les biens que lui reconnaissait déjà Aristote(cf notre article sur l'histoire de l'arg), s'il possède d'autres propriétés plus dynamiques.

 

L'argent-joker ou l'équivalent vraiment général

L'arg n'est pas l'expression des choses singulières comme telles mais de leur valeur d'échange. En tant qu'équivalent général, il est apte à neutraliser toutes les particularités. C'est sa vertu principale et c'est pour cela qu'il existe. L'activité (légale ou nom) qui a permis de se le procurer reste indiscernable. A son tour cette somme pourra s'échanger contre des biens ou services de toute nature. L'arg peut traduire dans les deux sens : équivaloir toute activité et tout bien, ou les acquérir. C'est parce qu'il est un traducteur universel dans les échanges que l'arg possède cette séduction qu'on lui connaît. Il rend le vie souple, fluide et le monde accessible. C'est ce qui fait sa puissance et son attrait. Ce n'est pas la richesse qui fascine d'abord le détenteur d'une somme-même modeste, c'est le sentiment du possible.

Nul ne l'a mieux exprimé que Balzac dans Le Père Goriot. « A l'instant où l'arg se glisse dans la poche d'un étudiant, il se dresse en lui-même une colonne fantastique sur laquelle il s'appuie.(...)

Il se passe en lui des phénomènes inouïs : il veut tout et peut tout. (…) Paris lui appartient. » Le personnage ici décrit n'est pas à proprement parler riche : il a reçu une petite somme de sa famille, mais cela suffit à déclencher en lui l'ivresse des possibles. Parce que ce peu est du numéraire, il représente une diversité indéterminée de biens, d'actions et d'évènements qui est promise.

L'arg comme numéraire est ce que Michel Serres appelle le joker, l'élément blanc. « L'arg est privé de sens ; il a tous les sens. Il est

blanc et polysémique. (…) L'arg est l'équivalent général, il a toutes les valeurs ; il a tous les sens pour n'en avoir aucun.(...) L'arg est indéterminé, il est tout comme équivalent général ; il n'est rien comme sens blanc. » Genèse, p. 62. L'arg n'est pas un joker comme les autres : il est le plus puissant de tous. Il peut, dans un monde fondé sur les échanges, rendre accessible toute chose. C'est parce qu'il n'a aucune valeur en lui-même que l'arg peut épouser toutes les valeurs. Il est promesse, l'être magique des possibles.

 

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6 juillet 2009 1 06 /07 /juillet /2009 07:13

EPICURE

Lettre à Ménécée

 

Epicure à Ménécée,

A. Même jeune, on ne doit pas hésiter à philosopher. Ni, même au seuil de la vieillesse, se fatiguer de l’exercice philosophique. Il n’est jamais trop tôt, qui que l’on soit, ni trop tard pour l’assainissement de l’âme. Tel, qui dit que l’heure de philosopher n’est pas venue ou qu’elle est déjà passée, ressemble à qui dirait que pour le bonheur, l’heure n’est pas venue ou qu’elle n’est plus. Sont donc appelés à philosopher le jeune comme le vieux. Le second pour que, vieillissant, il reste jeune en biens par esprit de gratitude à l’égard du passé. Le premier pour que jeune, il soit aussi un ancien par son sang-froid à l’égard de l’avenir. En définitive, on doit donc se préoccuper de ce qui crée le bonheur, s’il est vrai qu’avec lui nous possédons tout, et que sans lui nous faisons tout pour l’obtenir.

- LE PHILOSOPHER.

La plus part du temps, on considère la philosophie comme une matière abstraire. Au contraire, pour Epicure, elle est une pratique qui aide à vivre et qui est essentielle puisqu’elle mène au bonheur. Il faut rappeler ici que la question : « comment être heureux? Comment atteindre le bonheur ? » est a question fondatrice de toutes les réflexions d’Epicure. Le bonheur constitue sa principale préoccupation .

Epicure reprend ici un lieu commun de la philosophie antique : à quel âge doit-on faire de la philosophie? Ainsi les sophistes pensaient que seuls les jeunes gens devaient philosopher mais qu’il était ridicule de continuer l’âge mûr arrivé, alors que pour Aristote on ne peut véritablement philosopher qu’à partir d’une cinquantaine d’année. Epicure ne tranche pas le débat : il faut philosopher à tout âge et lorsqu’ils philosophent, les jeunes acquièrent de la maturité et les anciens retrouvent leur jeunesse.

Il est à remarquer qu’Epicure s’adresse à tout le monde (« qui que l’on soit« ). En cela, il tranche avec la tradition qui réserve la philosophie à une élite (cf. Platon) ou au savant (cf. Aristote) voire aux riches (cf. les sophistes). Tous doivent philosopher, vieux et jeunes certes, mais hommes libres et esclaves, hommes et femmes, ce qui constitue une singularité pour l’époque.

En effet, Epicure considère la philosophie comme une thérapie qui va permettre à l’individu d’atteindre le bonheur. Elle permet une connaissance de soi, une prise de conscience de ses peurs et de ses désirs, partant ,elle conduit à une pleine maîtrise de soi : elle dissipe les craintes et libère des désirs vains, toutes choses qui plongent l’individu dans le malheur.

La philosophie offre l’avantage de gommer l’âge biologique et de conférer à celui qui la pratique une existence  »extra-temporel » (cf. fin de la lettre). De fait, l’exercice philosophique donne une grande sérénité à l’égard du temps et permet d‘adopter l‘attitude à son égard qui convient pour juguler les craintes qui naissent de son écoulement. Les jeunes

 

B. Ces conceptions, dont je t’ai constamment entretenu, garde-les en tête. Ne les perds pas de vue quand tu agis, en connaissant clairement qu’elles sont les principes de base du bien vivre.

- LA METHODE

Ici Epicure donne un conseil. On voit qu’il s’agit d’une méthode avant tout pratique et d’une morale non prescriptive : Epicure ne dis pas ce qu’il faut faire dans chaque cas précis mais donne des règles général d’action. A chaque individu la charge d’appliquer ces règles. Le ressort de la méthode est la répétition et la pénétration de l’esprit de principes simples.

Il faut souligner à quel point cette morale est peu exigeante dans sa réalisation : il suffit d’appliquer les quelques maximes qui suivent pour atteindre le bonheur, et pour se faire s’en imprégner l’esprit. Tout se passe comme si les recettes du bonheur sont aussi simples dans leur formulation que dans leur application.


 

C. 1.D’abord, tenant le dieu pour un vivant immortel et bienheureux, selon la notion du dieu communément pressentie, ne lui attribue rien d’étranger à son immortalité ni rien d’incompatible avec sa béatitude. Crédite-le, en revanche, de tout ce qui est susceptible de lui conserver, avec l’immortalité, cette béatitude. Car les dieux existent : évidente est la connaissance que nous avons d’eux. Mais tels que la foule les imagine communément, ils n’existent pas : les gens ne prennent pas garde à la cohérence de ce qu’ils imaginent. N’est pas impie qui refuse des dieux populaires, mais qui, sur les dieux, projette les superstitions populaires. Les explications des gens à propos des dieux ne sont pas des notions établies à travers nos sens, mais des suppositions sans fondement. De là l’idée que les plus grands dommages sont amenés par les dieux ainsi que les bienfaits. En fait, c’est en totale affinité avec ses propres vertus que l’on accueille ceux qui sont semblables à soi-même, considérant comme étranger tout ce qui n’est pas tel que soi.

- LES DIEUX NE SONT PAS A CRAINDRE

Epicure part ici de ce que l’on nomme une « notion commune », c’est-à-dire une idée que personne -à l’époque du moins- ne songeait à remettre en doute en raison de sa clarté et de son évidence : les dieux existent. Il est à remarquer que celui-ci ne développe pas une conception savante des dieux mais s’en tient à la conception la plus simple et « populaire » : il s’agit d’êtres immortels et bienheureux.

 

D. 2. a. Accoutume-toi à penser que pour nous la mort n’est rien, puisque tout bien et tout mal résident dans la sensation, et que la mort est l’éradication de nos sensations. Dès lors, la juste prise de conscience que la mort ne nous est rien autorise à jouir du caractère mortel de la vie : non pas en lui conférant une durée infinie, mais en l’amputant du désir d’immortalité.

- LE BIEN, LE MAL, LA MORT

b. Il s’ensuit qu’il n’y a rien d’effrayant dans le fait de vivre, pour qui est authentiquement conscient qu’il n’existe rien d’effrayant non plus dans le fait de ne pas vivre. Stupide est donc celui qui dit avoir peur de la mort non parce qu’il souffrira en mourant, mais parce qu’il souffre à l’idée qu’elle approche. Ce dont l’existence ne gêne point, c’est vraiment pour rien qu’on souffre de l’attendre ! Le plus effrayant des maux, la mort ne nous est rien, disais-je : quand nous sommes, la mort n’est pas là, et quand la mort est là, c’est nous qui ne sommes plus ! Elle ne concerne donc ni les vivants ni les trépassés, étant donné que pour les uns, elle n’est point, et que les autres ne sont plus. Beaucoup de gens pourtant fuient la mort, soit en tant que plus grands des malheurs, soit en tant que point final des choses de la vie.

- LA MORT N’EST PAS A CRAINDRE

c. Le sage, lui ne craint pas le fait de n’être pas en vie : vivre ne lui convulse pas l’estomac, sans qu’il estime être mauvais de ne pas vivre. De même qu’il ne choisit jamais la nourriture la plus plantureuse, mais la plus goûteuse, ainsi n’est-ce point le temps le plus long, mais le plus fruité qu’il butine ? Celui qui incite d’un côté le jeune à bien vivre, de l’autre le vieillard à bien mourir est un niais, non tant parce que la vie a de l’agrément, mais surtout parce que bien vivre et bien mourir constituent un seul et même exercice. Plus stupide encore celui qui dit beau de n’être pas né, ou « sitôt né, de franchir les portes de l’Hadès ».

- LE SAGE ET LA MORT

d. S’il est persuadé de ce qu’il dit, que ne quitte-t-il la vie sur-le-champ ? Il en a l’immédiate possibilité, pour peu qu’il le veuille vraiment. S’il veut seulement jouer les provocateurs, sa désinvolture en la matière est déplacée.

Souvenons-nous d’ailleurs que l’avenir, ni ne nous appartient, ni ne nous échappe absolument, afin de ne pas tout à fait l’attendre comme devant exister, et de n’en point désespérer comme devant certainement ne pas exister.

- LE SAGE ET LA VIE

 

3. a. Il est également à considérer que certains d’entre les désirs sont naturels, d’autres vains, et que si certains des désirs naturels sont nécessaires, d’autres ne sont seulement que naturels. Parmi les désirs nécessaires, certains sont nécessaires au bonheur, d’autres à la tranquillité durable du corps, d’autres à la vie même.

- TYPOLOGIE DES DESIRS

b. Or, une réflexion irréprochable à ce propos sait rapporter tout choix et tout rejet à la santé du corps et à la sérénité de l’âme, puisque tel est le but de la vie bienheureuse. C’est sous son influence que nous faisons toute chose, dans la perspective d’éviter la souffrance et l’angoisse. Quand une bonne fois cette influence a établi sur nous son empire, toute tempête de l’âme se dissipe, le vivant n’ayant plus à courir comme après l’objet d’un manque, ni à rechercher cet autre par quoi le bien, de l’âme et du corps serait comblé. C’est alors que nous avons besoin de plaisir : quand le plaisir nous torture par sa non-présence. Autrement, nous ne sommes plus sous la dépendance du plaisir.

- LE TRI DES DESIRS

c. Voilà pourquoi nous disons que le plaisir est le principe et le but de la vie bienheureuse. C’est lui que nous avons reconnu comme bien premier et congénital. C’est de lui que nous recevons le signal de tout choix et rejet. C’est à lui que nous aboutissons comme règle, en jugeant tout bien d’après son impact sur notre sensibilité.
- LE PLAISIR, PRINCIPE ET BUT DE LA VIE

 

4. a. Justement parce qu’il est le bien premier et né avec notre nature, nous ne bondissons pas sur n’importe quel plaisir : il existe beaucoup de plaisirs auxquels nous ne nous arrêtons pas, lorsqu’ils impliquent pour nous une avalanche de difficultés. Nous considérons bien des douleurs comme préférables à des plaisirs, dès lors qu’un plaisir pour nous plus grand doit suivre des souffrances longtemps endurées. Ainsi tout plaisir, par nature, a le bien pour intime parent, sans pour autant devoir être cueilli. Symétriquement, toute espèce de douleur est un mal, sans que toutes les douleurs soient à fuir obligatoirement. C’est à travers la confrontation et l’analyse des avantages et désavantages qu’il convient de se décider à ce propos. A certains moments, nous réagissons au bien selon les cas comme à un mal, ou inversement au mal comme à un bien.

- PLAISIR ET DOULEUR

b. Ainsi, nous considérons l’autosuffisance comme un grand bien : non pour satisfaire à une obsession gratuite de frugalité, mais pour que le minimum, au cas où la profusion ferait défaut, nous satisfasse. Car nous sommes intimement convaincus qu’on trouve d’autant plus d’agréments à l’abondance qu’on y est moins attaché, et que si tout ce qui est naturel est plutôt facile à se procurer, ne l’est pas tout ce qui est vain. Les nourritures savoureusement simples vous régalent aussi bien qu’un ordinaire fastueux, sitôt éradiquée toute la douleur du manque : pain et eau dispensent un plaisir extrême, dès lors qu’en manque on les porte à sa bouche. L’accoutumance à des régimes simples et sans faste est un facteur de santé, pousse l’être humain au dynamisme dans les activités nécessaires à la vie, nous rend plus aptes à apprécier, à l’occasion, les repas luxueux et, face au sort, nous immunise contre l’inquiétude.

Quand nous parlons du plaisir comme d’un but essentiel, nous ne parlons pas des plaisirs du noceur irrécupérable ou de celui qui a la jouissance pour résidence permanente - comme se l’imaginent certaines personnes peu au courant et réticentes à nos propos, ou victimes d’une fausse interprétation - mais d’en arriver au stade où l’on ne souffre pas du corps et ou l’on n’est pas perturbé de l’âme. Car ni les beuveries, ni les festins continuels, ni les jeunes garçons ou les femmes dont on jouit, ni la délectation des poissons et de tout ce que peut porter une table fastueuse ne sont à la source de la vie heureuse : c’est ce qui fait la différence avec le raisonnement sobre, lucide, recherchant minutieusement les motifs sur lesquels fonder tout choix et tout rejet, et chassant les croyances à la faveur desquelles la plus grande confusion s’empare de l’âme.

- LES DEUX PLAISIRS

c. Au principe de tout cela, comme plus grand bien : la prudence. Or donc, la prudence, d’où sont issues toutes les autres vertus, se révèle en définitive plus précieuse que la philosophie : elle nous enseigne qu’on ne saurait vivre agréablement sans prudence , sans honnêteté et sans justice, ni avec ces trois vertus vivre sans plaisir. Les vertus en effet participent de la même nature que vivre avec plaisir, et vivre avec plaisir en est indissociable.

- LA VERTU DE PRUDENCE

 

5. D’après toi, quel homme surpasse en force celui qui sur les dieux nourrit des convictions conformes à leurs lois ? Qui face à la mort est désormais sans crainte ? Qui a percé à jour le but de la nature, en discernant à la fois comme il est aisé d’obtenir et d’atteindre le "summum" des biens, et comme celui des maux est bref en durée ou en intensité ; s’amusant de ce que certains mettent en scène comme la maîtresse de tous les événements – les uns advenant certes par nécessité, mais d’autres par hasard, d’autres encore par notre initiative –, parce qu’il voit bien que la nécessité n’a de comptes à rendre à personne, que le hasard est versatile, mais que ce qui vient par notre initiative est sans maître, et que c’est chose naturelle si le blâme et son contraire la suivent de près (en ce sens, mieux vaudrait consentir à souscrire au mythe concernant les dieux, que de s’asservir aux lois du destin des physiciens naturalistes : la première option laisse entrevoir un espoir, par des prières, de fléchir les dieux en les honorant, tandis que l’autre affiche une nécessité inflexible).

Qui témoigne, disais-je, de plus de force que l’homme qui ne prend le hasard ni pour un dieu, comme le fait la masse des gens (un dieu ne fait rien de désordonné), ni pour une cause fluctuante (il ne présume pas que le bien ou le mal, artisans de la vie bienheureuse, sont distribués aux hommes par le hasard, mais pense que, pourtant, c’est le hasard qui nourrit les principes de grands biens ou de grands maux) ; l’homme convaincu qu’il est meilleur d’être dépourvu de chance particulière tout en raisonnant bien que d’être chanceux en déraisonnant ; l’idéal étant évidemment, en ce qui concerne nos actions, que ce qu’on a jugé « bien » soit entériné par le hasard.

- LE BONHEUR DU SAGE, SA SUPERIORITE

6. A ces questions, et à toutes celles qui s’y rattachent, réfléchis jour et nuit pour toi-même et pour qui est semblable à toi, et jamais tu ne seras troublé ni dans la veille ni dans tes rêves, mais tu vivras comme un dieu parmi les humains. Car il n’a rien de commun avec un animal mortel, l’homme vivant parmi des biens immortels."

- DERNIERS CONSEILS

4 remèdes

a. il n’y a rien à craindre des dieux (1)

b. il n’y a rien à craindre de la mort (2)

c. on peut atteindre le bonheur

d. on peut supporter la douleur

 

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6 juillet 2009 1 06 /07 /juillet /2009 07:09
Que toute notre connaissance commence avec l’expérience, cela ne soulève aucun doute. En effet, par quoi notre pouvoir de connaître pourrait-il être éveillé et mis en action, si ce n’est par des objets qui frappent nos sens et qui, d’une part, produisent par eux-mêmes des représentations et d’autre part, mettent en mouvement notre faculté intellectuelle, afin qu’elle compare, lie ou sépare ces représentations, et travaille ainsi la matière brute des impressions sensibles pour en tirer une connaissance des objets, celle qu’on nomme l’expérience? Ainsi, chronologiquement, aucune connaissance ne précède en nous l’expérience et c’est avec elle que toutes commencent.
Mais si toute notre connaissance débute avec l’expérience, cela ne prouve pas qu’elle dérive toute de l’expérience, car il se pourrait bien que même notre connaissance par expérience fût un composé de ce que nous recevons des impressions sensibles et de ce que notre propre pouvoir de connaître (simplement excité par des impressions sensibles) produit de lui-même: addition que nous ne distinguons pas de la matière première jusqu’à ce que notre attention y ait été portée par un long exercice qui nous ait appris à l’en séparer.
C’est donc au moins une question qui exige encore un examen plus approfondi et que l’on ne saurait résoudre du premier coup d’ail, que celle de savoir s’il y a une connaissance de ce genre, indépendante de l’expérience et même de toutes les impressions des sens. De telles connaissances sont appelées a priori et on les distingue des empiriques qui ont leur source a posteriori, à savoir dans l’expérience. [...]
Si l’on veut un exemple pris dans les sciences, on n’a qu’à parcourir des yeux toutes les propositions de la mathématique; et si on en veut un tiré de l’usage plus ordinaire de l’entendement, on peut prendre la pro
position: tout changement doit avoir une cause. Qui plus est, dans cette dernière, le concept même d’une cause renferme manifestement le concept d’une liaison nécessaire avec un effet et celui de la stricte universalité de la règle, si bien que ce concept de cause serait entièrement perdu, si on devait le dériver, comme le fait Hume, d’une association fréquente de ce qui arrive avec ce qui précède et d’une habitude qui en résulte (d’une nécessité, par conséquent, simplement subjective) de lier des représentations. On pourrait aussi, sans qu’il fût besoin de pareils exemples pour prouver la réalité des principes purs a priori dans notre connaissance, montrer que ces principes sont indispensables pour que l’expérience même soit possible, et en exposer, par suite, la nécessité a priori. D’où l’expérience, en effet, pourrait-elle tirer sa certitude, si toutes les règles, suivant lesquelles elle procède, n’étaient jamais qu’empiriques, et par là même contingentes?
Emmanuel Kant, Critique de la raison pure (1787),

Introduction, seconde édition, trad. A. Tremesaygues

et B. Pacaud, Éd. PUF, coll. Quadrige, 4′ éd., 1993, pp. 31-33.

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3 juillet 2009 5 03 /07 /juillet /2009 07:34

Peut-il y avoir des inégalités justes?

On part communément qu’il existe un rapport d’équivalence entre justice et égalité : que chacun ait la même part que son voisin, voilà qui est juste. Or dans la réalité règnerait dans cette perspective l’inégalité la plus grande. Non seulement la répartition des biens ne se fait pas selon un principe d’égalité stricte, mais personne n’est l’égal d’aucun autre du point de vue des talents et de sa situation socio-économiques : il n’y a que des individus, tous différents en bien des points les uns des autres. Nous ne pourrions que poser une égalité de droit que les faits les plus courants viendraient contredire. Ne pouvant faire que l’égalité soit effective -ce qui annihile la notion de justice- faut-il considérer que les inégalités soient justes, ou du moins faut-il concéder que certaines sont justes? Reste encore à trouver le critère qui détermine la justice de ces inégalités.

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2 juillet 2009 4 02 /07 /juillet /2009 12:06

Epicure à Ménécée,

A. Même jeune, on ne doit pas hésiter à philosopher. Ni, même au seuil de la vieillesse, se fatiguer de l’exercice philosophique. Il n’est jamais trop tôt, qui que l’on soit, ni trop tard pour l’assainissement de l’âme. Tel, qui dit que l’heure de philosopher n’est pas venue ou qu’elle est déjà passée, ressemble à qui dirait que pour le bonheur, l’heure n’est pas venue ou qu’elle n’est plus. Sont donc appelés à philosopher le jeune comme le vieux. Le second pour que, vieillissant, il reste jeune en biens par esprit de gratitude à l’égard du passé. Le premier pour que jeune, il soit aussi un ancien par son sang-froid à l’égard de l’avenir. En définitive, on doit donc se préoccuper de ce qui crée le bonheur, s’il est vrai qu’avec lui nous possédons tout, et que sans lui nous faisons tout pour l’obtenir.

- LE PHILOSOPHER.

La plus part du temps, on considère la philosophie comme une matière abstraire. Au contraire, pour Epicure, elle est une pratique qui aide à vivre et qui est essentielle puisqu’elle mène au bonheur. Il faut rappeler ici que la question : « comment être heureux? Comment atteindre le bonheur ? » est a question fondatrice de toutes les réflexions d’Epicure. Le bonheur constitue sa principale préoccupation .

Epicure reprend ici un lieu commun de la philosophie antique : à quel âge doit-on faire de la philosophie? Ainsi les sophistes pensaient que seuls les jeunes gens devaient philosopher mais qu’il était ridicule de continuer l’âge mûr arrivé, alors que pour Aristote on ne peut véritablement philosopher qu’à partir d’une cinquantaine d’année. Epicure ne tranche pas le débat : il faut philosopher à tout âge et lorsqu’ils philosophent, les jeunes acquièrent de la mâturité et les anciens retrouvent leur jeunesse.

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2 juillet 2009 4 02 /07 /juillet /2009 11:28

Texte étudié : Epicure, Lettre à Ménécée : la philosophie à tous les âges

« Quand on est jeune il ne faut pas hésiter à s'adonner à la philosophie, et quand on est vieux il ne faut pas se lasser d'en poursuivre l'étude. Car personne ne peut soutenir qu'il est trop jeune ou trop vieux pour acquérir la santé de l'âme. Celui qui prétendrait que l'heure de philosopher n'est pas encore venue ou qu'elle est déjà passée, ressemblerait à celui qui dirait que l'heure n'est pas encore arrivée d'être heureux ou qu'elle est déjà passée. Il faut donc que le jeune homme aussi bien que le vieillard cultivent la philosophie: celui-ci pour qu'il se sente rajeunir au souvenir des biens que la fortune lui a accordés dans le passé, celui-là pour être, malgré sa jeunesse, aussi intrépide en face de l'avenir qu'un homme avancé en âge (...).
Ce ne sont pas les beuveries et les orgies continuelles, les jouissances des jeunes garçons et des femmes, les poissons et les autres mets qu'offre une table luxueuse, qui engendrent une vie heureuse, mais la raison vigilante, qui recherche minutieusement les motifs de ce qu'il faut choisir et de ce qu'il faut éviter et qui rejette les vaines opinions, grâce auxquelles le plus grand trouble s'empare des âmes.
De tout cela la sagesse est le principe et le plus grand des biens. C'est pourquoi elle est même plus précieuse que la philosophie, car elle est la source de toutes les autres vertus, puisqu'elle nous enseigne qu'on ne peut pas être heureux sans être sage, honnête et juste ni être sage, honnête et juste sans être heureux. Conçois-tu maintenant que quelqu'un puisse être supérieur au sage, qui a sur les dieux des opinions pieuses, qui est toujours sans crainte à la pensée de la mort, qui est arrivé à comprendre quel est le but de la nature, qui sait pertinemment que le souverain bien est à notre portée et facile à se procurer et que le mal extrême, ou bien ne dure pas longtemps, ou bien ne nous cause qu'une peine légère (...) ? » (Epicure, Lettre à Ménécée (extrait), La philosophie à tous âges).



Pour beaucoup, la philosophie est une discipline théorique, purement spéculative, qui se complaît dans des discours abstraits, et on ne voit pas bien en quoi elle pourrait concerner notre existence la plus quotidienne. Mais c'est oublier l'étymologie même du mot «philosophie»: à l'origine, il désigne en effet l'amour de la sagesse, plus précisément le désir d'une sagesse que l'on est conscient de ne pas posséder. Certes, le sage a des connaissances théoriques; mais il a aussi, et peut-être surtout, le souci du bien-vivre, c'est-à-dire de vivre dans la sérénité et la vertu. Dans ces conditions, la philosophie ne peut-elle pas tous nous concerner, puisqu'elle est en rapport avec une préoccupation universelle: la recherche du bonheur? Telle est en tout cas l'approche développée par Epicure dans la Lettre à Ménécée : selon lui, la pratique de la philosophie se justifie par le fait qu'elle seule peut nous permettre d'atteindre le véritable bonheur, conçu comme ataraxie, c'est-à-dire l'absence de troubles dans l'âme. Dans un premier temps, le philosophe va s'attacher à montrer que la philosophie s'adresse à tous, sans exception, en précisant plus particulièrement qu'il n'y a pas d'âge pour philosopher. Mais pour comprendre que la philosophie peut amener le bonheur, il faut se défaire des conceptions erronées du bonheur, telles qu'elles sont véhiculées par l'opinion: c'est ce qui est développé dans un second temps, à travers l'opposition d'un bonheur illusoire comme dérèglement des sens, et le véritable bonheur, qui nécessite l'intervention de la raison. Enfin, le texte se clôt par une présentation de la figure du sage, et les caractéristiques qui en font l'idéal d'accomplissement de l'humanité.
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2 juillet 2009 4 02 /07 /juillet /2009 10:17

Les explications physico-chimiques de la vie

Une attitude consiste à réduire la vie à une caractéristique de processus dits inorganiques spéciaux correspond l’ensemble des théories physico-chimiques de la vie. Les représentants d’une telle manière de voir un îlot vital dans la totalité constituée par un univers où s’enchaînent mécaniquement les phénomènes.

Ils mettent l’accent, par exemple, sur les indéniables analogies rapprochant le fonctionnement vital du jeu des consécutions inorganiques. A l’instar des cartésiens, on parlera légitimement de la pompe cardiaque ou du filtre rénal; on ne sera pas moins fondé à parler de l’élasticité du tissu artériel ou pulmonaire et de la mécanique des leviers osseux.

L’analyse des processus organiques aboutit à une collection de phénomènes physico-chimiques souvent reproductibles in vitro. Ainsi les lois de la chimie rendent compte de la saponification des graisses comme de la dislocation de la molécule d’albumine lors de la digestion. Autre exemple : les lois physiques de tension superficielle expliquent non seulement la filtration glomérulaire mais encore les phénomènes plus complexes de réabsorption tubulaire au cours de l’excrétion rénale.

Autant des raisons conduisant à conclure que les phénomènes vitaux ainsi analysables ne sauraient constituer au milieu de l’univers matériel « un empire dans un empire ».

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2 juillet 2009 4 02 /07 /juillet /2009 09:24

 

Pour Sartre, contrairement au coupe-papier, l’homme n’a pas d’ “essence” avant d’exister:
“Le coupe-papier est à la fois un objet qui se produit d’une certaine manière et qui, d’autre part, a une utilité définie; et on ne peut pas supposer un homme qui produirait un coupe-papier sans savoir â quoi l’objet va servir. Nous dirons donc que, pour le coupe-papier, l’essence - c’est-à-dire l’ensemble des recettes et des qualités qui permettent de le produire et de le définir - précède l’existence, et ainsi la présence, en face de moi, de tel coupe-papier ou de tel livre est déterminer. Nous avons donc là une vision technique du monde, dans laquelle on peur dire que la production précède l’existence.
Lorsque nous concevons un Dieu créateur, ce Dieu est assimilé la plupart du temps à un artisan supérieur, et quelle que soit la doctrine que nous considérions, qu’il s’agisse d’une doctrine comme celle de Descartes ou de la doctrine de Leibniz, nous admettons toujours que la volonté suit plus ou moins l’entendement, ou tout au moins l’accompagne, et que Dieu, lorsqu’il crée, sait précisément ce qu’il crée. Ainsi, le concept d’homme, dans l’esprit de Dieu, est assimilable au concept de coupe papier dans l’esprit de l’industriel.
L’homme individuel réalise un certain concept qui est dans l’entendement divin. Au XVIII siècle, dans l’athéisme des philosophes, la notion ~ de Dieu est supprimée, mais non pour autant l’idée que l’essence précède l’existence. Cette idée, nous la retrouvons un peu partout: nous la retrouvons chez Diderot, chez Voltaire, et même chez Kant. L’homme est possesseur d’une nature humaine; cette nature humaine qui est le concept humain, se retrouve chez tous les hommes, ce qui signifie que chaque homme est un exemple particulier d’un concept universel, l’homme; chez Kant, il résulte de cette universalité que l’homme des bois, l’homme de la nature, comme le bourgeois sont astreints à la même définition et possèdent les mêmes qualités de base. Ainsi, là encore, l’essence d’homme précède cette existence historique que nous rencontrons dans la nature.
L’existentialisme athée, que je représente, est plus cohérent. Il déclare que si Dieu n’existe pas, il y a au moins un être chez qui l’existence précède l’essence, un être qui existe avant de pouvoir être défini par aucun concept et que cet être c’est l’homme ou, comme dit Heidegger, la réalité humaine. Qu’est-ce que signifie ici que l’existence précède l’essence? Cela signifie que l’homme existe d’abord, se rencontre, surgit dans le monde, et qu’il se définit après. L’homme, tel que le conçoit l’existentialiste, s’il n’est pas définissable, c’est qu’il n’est d’abord rien. Il ne sera qu’ensuite, et il sera tel qu’il se sera fait. Ainsi, il n’y a pas de nature humaine, puisqu’il n’y a pas de Dieu pour la concevoir. L’homme est seulement, non seulement tel qu’il se conçoit, mais tel qu’il se veut, et comme il se conçoit après l’existence, comme il se veut après cet élan vers l’existence; l’homme n’est rien d’autre que ce qu’il se fait”.
Jean-Paul Sartre, L’existentialisme est un humanisme (1946), Éd. Nagel, 1970, pp. 17-24.

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